Section 1 : La place du Common Law et de l'Equity
Chaque système a ses particularités et son mode d'action.
Les anglais attachent beaucoup d'importance à la procédure.
Structure dualiste du droit anglais
Common Law | Equity | |
Sources | 1066 : Conquête normande | 1485 |
Définition | Droit commun à toute l'Angleterre, par opposition aux coutumes locales | Ensemble de décisions « équitables », morales, en conscience |
Juridictions compétentes | Cours royales de justice (cour de Westminster) | Cour de la Chancellerie (le chancelier) |
Procédure |
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Sanctions | Versement de dommages et intérêts | Exécution forcée |
Terminologie |
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Vocabulaire
Dommages et intérêts : damages ou compensation.
Un droit : interest ou right.
Jugement : decree ou judgment.
Le langage n'est pas toujours le même entre les deux systèmes : le Common Law est assez proche des droits continentaux : action (action en justice)...
La terminologie de l'equity est moins connue : real interest (droit de la propriété).
Chaque système est différent. Le Common Law ressemble beaucoup à notre droit (offre, acceptation, ordre public...), il possède une base commune avec le droit romain. À l'inverse, le système de l'equity est beaucoup plus différent.
Actuellement, l'equity ne peut être invoqué qu'à deux conditions (à prouver) :
Le demandeur doit avoir les mains propres, être sans reproches (clean hands) ;
Le défendeur doit avoir agi contre la morale, contre la conscience, contre l'équité (against good faith, equity, conscience). Il doit plus ou moins avoir les mains sales (unclean hands).
Lorsque les conditions sont remplies, le plaideur peut aller en equity, soit après un procès en Common Law, soit directement (avant, il fallait avoir épuisé tous les recours du Common Law et avoir une décision défavorable, ce qui pouvait prendre plusieurs années. Ce n'est plus le cas aujourd'hui).
L'equity est une sorte d'appel, mais elle a également trois missions par rapport au Common Law. Actuellement, l'equity remplit 3 rôles :
Un rôle accessoire : elle apporte au claimant (demandeur) une solution pratique, ce qu'on appelle un remède (remedy), ce que le Common Law ne peut pas accorder. Le Common Law est un droit complet, efficace, mais qui règle tous les problèmes avec de l'argent, et qui, de plus, admet qu'on ait le droit de tromper l'adversaire. En matière contractuelle, notamment, le plaignant doit démontrer que l'allocation de dommages et intérêts est insuffisante. L'equity permet donc de compléter les solutions du Common Law.
Un rôle indépendant, autonome : c'est un système à part (par exemple, la terminologie est différente). Les deux systèmes ont quand même quelques points communs, notamment des concepts et des mécanismes créés par l'equity et repris par le Common Law. En effet, l'equity est à l'origine de concepts, de mécanismes juridiques, ou de droits très originaux. Ces droits, on va d'abord les appeler les Equitable Interests.
Exemple : La notion de propriété
L'equity a par exemple permis une notion originale de propriété. En France, la propriété est un droit absolu, qui comporte l'usus, le fructus et l'abusus. Mais en Angleterre, il y a le système de la tenure. La propriété est donc différente, et elle est composée de deux éléments :
La Legal ownership, c'est-à-dire la propriété légale, qui existait déjà en Common Law ;
L'Equitable ownership, qui a été mis en place par l'equity, et qui permet de scinder un droit de propriété en une multitude d'éléments (on peut vendre l'equitable ownership et garder la legal ownership).
Exemple : Le Trust
L'equity a permis la création du Trust. Qu'est-ce qu'un trust ? C'est une notion qui existe uniquement dans les pays du Common Law, même si certains pays ont essayé de copier la notion (comme la France avec la fiducie).
Auparavant, et jusqu'au XIXème siècle, on l'appelait un use. À l'origine, le trust remonte aux croisades : lorsqu'un chevalier, un seigneur avec des terres partait en croisade, il partait souvent pour plusieurs années et ne savait pas s'il allait revenir un jour, et donc il ne pouvait pas laisser ses terres sans gouvernance. Or, les femmes et les enfants mineurs ne pouvaient pas remplir ce rôle. Il confiait alors sa femme, ses enfants et son domaine à un proche en qui il avait confiance (d'où le mot trust plus tard, qui signifie confiance) : il mettait alors en place un use (utiliser, car le bénéficiaire allait utiliser son domaine), un peu comme s'il prêtait sa maison. On l'appelle alors le settlor (celui qui prête sa maison). Un document officiel est alors rédigé par le settlor, qui met en place le trust, les conditions du prêt par écrit. Le document s'appelle un Trust Deed. Et c'est celui qu'on appelle le trustee qui devra alors gérer le domaine, et ce, dans l'intérêt de la femme et des enfants, d'un ou plusieurs bénéficiaires (beneficiary).
Le bénéficiaire a donc des droits, mais il ne peut pas les invoquer. Tout dépend donc de la bonne volonté du trustee.
Seulement, s'il n'est pas propriétaire, le trustee ne peut rien faire. Donc pour qu'il puisse gérer le domaine, il doit y avoir un transfert de propriété : le settlor va donner ou vendre (pour une somme symbolique) au trustee son domaine pour qu'il puisse le gérer.
Or, dans le système de Common Law, on ne (re)connaît pas les bénéficiaires, et on considère que le trustee a la legal ownership : il va donc y avoir des abus de certains trustee, et les bénéficiaires ne pouvaient rien faire.
Pour pouvoir faire quelque chose, il faut donc passer par l'equity : on considère que le trustee a agi contre ses engagements, il a agi contre la conscience, et comme, par le système de la tenure, le domaine appartient au Roi, il faut passer par la justice du Roi, et donc l'equity. Et l'equity va reconnaître aux bénéficiaires (beneficiaries) des droits, les equitable interests.
Le trust est un système qui permet beaucoup de fraudes : à la même époque, lorsqu'une personne entrait dans les ordres, elle faisait vœux de pauvreté et devait donc abandonner tous ses biens. Certaines personnes passaient alors par le trust, en étant à la fois settlor et beneficiary, ce qui leur permettait d'être à la fois pauvre officiellement, mais riche officieusement (parfois, le monastère était désigné comme trustee).
Le trust est donc un instrument juridique phénoménal.

Un rôle correctif : les inconvénients du Common Law sont comblés par l'equity. L'equity comble les lacunes du Common Law, et prend notamment en compte la bonne ou la mauvaise foi des personnes (good faith, good conscience). L'equity permet par exemple d'annuler un contrat obtenu par des pressions injustifiées (undue influence), ou par des déclarations inexactes (misrepresentations).
En Common Law, on peut tromper. L'equity rattrape ce manque. Le recours à l'equity est très efficace puisqu'on fait appel au Roi, au plus haut niveau, et le demandeur peut notamment obtenir du juge un ordre (order). Il y a deux formes d'ordre que l'on peut demander :
L'injonction : injunction, qui est un ordre de ne pas faire ;
Le Specific performance, qui est une exécution, un ordre de faire.
Les cas dans lesquels un juge peut recourir à un ordre sont définis par la loi et par les précédents. C'est le principe normal, mais dans la pratique, les avocats anglais mélangent les deux : ainsi, on peut être forcé de livrer (specific performance), ou interdit de ne pas livrer (injunction).
Le non-respect d'un ordre constitue un délit appelé Contempt of Court (Outrage à Magistrat en France, ce qui équivaudrait à un outrage au Roi ou à la Reine en Angleterre), qui peut entraîner jusqu'à 2 ans d'emprisonnement. C'est donc un délit très grave.
L'importance de l'equity est très variable d'un domaine du droit à l'autre. Il y a des secteurs où l'equity à un petit rôle car le Common Law est satisfaisant (dans le droit des contrats par exemple), et d'autres où l'equity est très présente (en matière de trust par exemple).
Vocabulaire
Allégation = representation
Clause = terms