Section 3 : l'Equity

On pourrait traduire equity par équité, mais la traduction n'est pas tout à fait exacte, alors on garde le terme anglais.

L'Equity, c'est une deuxième jurisprudence. En France, on a une jurisprudence administrative et une jurisprudence judiciaire, mais les deux sont complètement séparées, il n'y a pas de recoupement, et s'il y a un conflit, le Tribunal des Conflits tranche. En Angleterre, ce n'est pas le cas, un même cas peut être étudié par les deux jurisprudences, et cela pose de sérieux problème, c'est un peu fouillis.

Vers le XVème siècle, le Common Law est très sclérosé. Les juges et avocats, à qui on doit graisser la patte, parlent français et rendent des décisions étranges, voire très controversées. Pour les justiciables, ce système présente de très grands défauts (complexe, illogique et très coûteux).

À la suite de cette situation, certains justiciables (pas n'importe lesquels, des grands seigneurs qui ont accès au Roi, qui peuvent lui parler et que le Roi écoute, qui ont eu des litiges et les ont perdu malgré leurs moyens financiers) vont se plaindre directement au Roi des décisions prisent par le Common Law, c'est-à-dire par ses cours de justice, donc de sa justice.

Le Roi les écoutes, et en 1485, à la suite de ces recours, le Roi se déclare compétent. On peut alors se plaindre directement devant lui, comme une sorte d'appel.

Le Roi, par manque de temps ou de volonté, va progressivement confier ces plaintes, ces recours, à son chancelier, qui est le ministre le plus proche du Roi : le Chancellor. Or, ce Chancellor est un ecclésiastique, un évêque, donc il est imprégné de morale religieuse. Et peu à peu, le Roi va tout lui déléguer. Mais comme il fait partie de l'Église romaine, et qu'il est très imprégné de morale religieuse et de droit canon, il va donc appliquer cette morale religieuse aux cas qui lui sont présentés. Donc ces plaintes vont être examinées en fonction de l'équité (equity).

Exemple : une personne qui fait signer un contrat à une personne ayant des problèmes de vue avec l'intention d'en profiter est un cas pouvant se retrouver devant le Chancellor.

IN CONSCIENCE : en conscience ..... PARTIE QUI MANQUE

Très vite, ce contentieux s'appuie sur la morale, notamment religieuse. Peu à peu, le chancelier s'entoure d'un conseil car il y a de plus en plus de plaintes. Au bout d'une dizaine d'années, ce conseil, progressivement, est devenu une juridiction.

Mais parallèlement, les cours de Common Law fonctionnent toujours. Et de temps en temps, certains justiciables mécontents (et fortunés) font appel à l'equity. Mais les juges de Common Law n'apprécient pas du tout qu'on annule leurs décisions, et le tolère de moins en moins, ce qui entraîne un conflit. Et ce conflit Common Law/Equity va s'étaler sur un siècle (du début du XVIème au début du XVIIème siècle, vers 1616).

Les juges de Common Law vont entrer en conflit avec la Court Of Chancery (Cours de la Chancellerie). Les décisions du Common Law sont souvent annulées par la Court of Chancery. Et ce conflit va devenir assez violent (il commence par des injures, et les juges finissent par en venir aux mains). Et parallèlement, en Grande-Bretagne, se déroule une guerre civile, et les juges du Common Law prennent un parti, tandis que les juges de l'equity prennent parti pour l'autre côté. Les juges du Common Law ont la crainte, fondée, que le système de Common Law disparaisse.

En 1616, le Roi Jacques Ier prend une importante décision, qui se confronte notamment aux juges du Common Law : le Roi se prononce dans ce conflit en faveur de l'equity (en plus, le Roi vient de gagner la guerre civile). Et très vite, le conflit retombe.

Peu à peu, les deux parties, systèmes, vont aménager leurs relations. Les deux systèmes subsistent (aujourd'hui encore), mais il a fallu s'arranger.

Exemple : Un commerçant détaillant a commandé un produit chez l'unique fournisseur du produit. Mais il refuse d'exécuter le contrat. En Common Law, il obtiendrait des dommages et intérêts, mais pas le produit. Alors qu'en equity, selon le principe de l'Equity acts in personam (l'équité agit en personne, sur les personnes), la personne qui n'a pas respecté ses engagements n'a pas été très morale, et sera alors délivrer une injonction de livrer le produit dans un certain délai. Et si le fournisseur n'a pas délivré le produit dans le délai imparti, l'acheteur montre l'injonction à la police, qui emmènera alors le fournisseur en prison.

Peu à peu, l'equity elle-même va comporter certains abus : ce qu'on a vu dans le Common Law se reproduit à peu près dans l'equity. Si un justiciable voulait que le dossier arrive devant la Court of Chancery, il fallait payer. Alors le législateur est intervenu par deux lois : Les Judicature Act of 1873 and 1875 (Lois sur les juridictions, la justice).

Ces deux lois vont réorganiser la justice et ensuite, poser les principes des relations entre le Common Law et l'equity. Les règles sont alors connues de tous, ce qui permet d'éviter la plupart des abus. L'equity est le recours suprême, que le Common Law ne peut rien faire, et il est très rarement utilisé.

Cette période fini fin XIXème siècle.